CHAPITRE XI

Quand le Pulsar quitta l’hyperespace et entama sa descente vers Vortex, Luke Skywalker sentit la sérénité des Vors déferler sur lui telles des vagues sur une plage.

Il alla du salon au cockpit du cargo longiligne et sourit à Mara, assise sur le siège du copilote, R2-D2 installé derrière elle.

Un droïd de type R2 vert et blanc se tenait derrière le siège du pilote.

Mirax Terrik Horn, sa longue chevelure noire tressée, se tourna vers Luke.

— Nous avons réussi. Avec Whistler et R2 aux calculs de navigation, nous avons gagné pas mal de distance sur ce trajet.

— Une fois de plus, je suis heureux que vous ayez accepté de nous conduire ici.

Mirax haussa les épaules.

— Avec Corran en mission, mes enfants à l’Académie et mon père occupé à ses affaires, je n’avais pas d’autre occupation qu’attendre à la maison !

Mara sourit.

— Mieux vaut agir. Attendre est si ennuyeux !

— Je doute que le terme ennuyeux puisse s’appliquer dès que vous êtes ensemble ! En fait, il me semble me souvenir…

— Et nous aurions pu être à ton Académie toutes ces années ! Tes étudiants auraient adoré cette distraction. Et les dégâts annexes n’ont jamais été très importants.

— Les Vors ont leur propre idée de l’importance des dégâts annexes, dit le maître Jedi en souriant.

— C’est vrai, approuva Mirax. Nous avons reçu l’autorisation de nous poser près de la Cathédrale principale. Après le malheureux accident de l’amiral Ackbar et de Leia, les Vors ont décidé d’interdire les vols dans une zone de deux kilomètres autour de leur Cathédrale, pour éviter qu’un autre chasseur la démolisse ! Nous entrerons dans l’atmosphère dans quinze secondes.

— Je vais prévenir les autres.

Luke retourna au salon, où Anakin et Chalco jouaient à un holojeu.

— Bouclez vos harnais. Nous approchons.

Anakin obéit ; Chalco agrippa les accoudoirs de son fauteuil.

— Chalco, vous n’êtes pas obligé de tout faire à la dure ! lança Luke.

L’homme haussa les épaules.

— Je sais que les Jedi ont des pouvoirs, mais les gens ordinaires comme moi ne sont pas pour autant des mauviettes !

Une secousse arracha Chalco de son siège. Luke se concentra sur la Force pour le stabiliser, puis s’aperçut qu’Anakin l’avait déjà fait.

Si délicatement que je doute fort que Chalco s’aperçoive de cette intervention.

— Je vous en prie, dit Luke, bouclez vos harnais. L’homme grogna, mais finit par obéir.

— Ma foi, si les Jedi le font, ça ne peut pas me nuire !

Anakin grimaça.

— Mais j’espérais que…

Luke leva une main.

— Sonde avec la Force, Anakin. Sens-tu la présence de Daeshara’cor ?

Le jeune homme hésita, puis secoua la tête.

— Non.

Chalco fronça les sourcils.

— Vous ne vous attendiez pas à la trouver ici ?

— Pas vraiment… Elle est venue chercher des informations. Nous apprendrons ce qu’elle voulait, puis nous repartirons. Alors, nous aurons besoin de vous, Chalco.

— Et moi ? demanda Anakin.

— Ta présence est vitale dans cette mission.

Le visage du neveu de Luke s’éclaira.

— Qu’aurai-je à faire ?

— Je n’en suis pas sûr. J’ai capté des indications plutôt vagues. Pour le moment, la Force m’avertit que tu dois rester à bord du Pulsar.

— Tu ne dirais pas ça parce que c’est plus facile que m’ordonner de ne pas bouger parce que tu es mon oncle ? demanda Anakin, soupçonneux.

Luke haussa les sourcils.

— Anakin !

La voix de Mirax retentit sur l’intercom.

— Nous atterrirons dans une minute. Un speeder nous attend.

Luke sourit.

— Si tout va bien, nous serons repartis dans une heure.

Vortex comptait de vastes plaines bleu-vert balayées par les vents. Les Vors, des humanoïdes mammifères, avaient néanmoins des os creux et des ailes assez épaisses pour planer sur les courants thermiques. Leur sens de l’harmonie extraordinaire leur avait inspiré la création de la Cathédrale des Vents.

Ils réservaient leurs capacités technologiques aux projets spéciaux. S’ils vivaient dans des huttes de chaume, la construction des hautes spirales cristallines constituant la Cathédrale témoignait de leur talent. Les tours de verre étaient faites pour durer et impressionner.

Dans la Cathédrale, le vent traversait des tubes transparents et l’air résonnait de tintements cristallins toujours changeants. Des ouvertures à claire-voie raccordées à des engrenages permettaient de moduler les sons. Le bâtiment avait l’air presque vivant.

Lors des Concerts des Vents, les Vors utilisaient aussi leurs corps pour canaliser les courants, créant une véritable symphonie vivante.

Mirax arrêta le speeder. Luke et Mara en sortirent, à cinq cents mètres de la Cathédrale. Une femme de grande taille à la peau bleue les attendait devant la structure de cristal. Sa robe bleu nuit soulignait son teint. Sa chevelure, un halo transparent, évoquait des plumes délicates. Le mot éthérée la décrivait parfaitement. Mince comme une liane et d’aspect fragile, elle semblait incarner la mélodie flottant dans l’air.

Luke approcha et lui sourit, surpris qu’elle ne lui rende pas son sourire.

— Je vous salue, Qwi Xux.

— Salutations, maître Skywalker. Je suis désolée que vous ayez fait tout ce chemin pour rien. Je ne peux pas vous aider.

Mara fronça les sourcils.

— Comment le savez-vous ?

— Je sais beaucoup de choses, Mara Jade, affirma l’Omwati. Après avoir aidé Wedge à réparer les dégâts ici, j’ai compris que je ne trouverais jamais la paix ailleurs. Je suis revenue supplier les Vors de me laisser rester avec eux. J’espère donner une voix à mes nombreuses victimes à travers la symphonie des vents… Peut-être alors connaîtrais-je la sérénité.

— Je comprends, assura Luke.

— A l’inverse de la plupart des gens… Ici, j’ai l’espoir de créer de la beauté pour compenser les horreurs que j’ai perpétrées.

— Je suis désolé que ma venue vous rappelle des souvenirs pénibles. Je vous souhaite de trouver ce que vous cherchez. Si je peux vous aider…

— J’espérais que Kyp Durron viendrait me voir… J’ignore s’il est hanté par le passé comme moi, mais j’espère qu’ici, il entendra les voix du peuple de Carida.

— Je lui ferai part de votre requête. Kyp aurait besoin d’un peu de paix…

— Pour quelle raison pensez-vous que nous sommes venus ? demanda Mara.

— Vous cherchez la Jedi twi’lek. Elle est venue m’interroger sur les super-armes. Elle connaissait l’existence d’une troisième Etoile Noire, en cours de construction dans le secteur de la Mâchoire. Elle voulait savoir s’il en existait une autre, ou un Broyeur de Soleil, dont personne à part moi n’aurait entendu parler. Elle avait remarqué que l’Empereur produisait souvent les choses en double.

Même le premier superdestroyer avait été fabriqué en double. Le deuxième, le Lusankya, avait été offert par l’Empereur à Ysanne Isard et son vaisseau frère à Dark Vador.

J’ai toujours supposé qu’il restait dans la galaxie quelques-uns de ses petits « jouets » à découvrir…

— Existait-il un second Broyeur de Soleil ? demanda Mara.

— Y avait-il autre chose ? demanda Luke.

— L'œil de Palpatine. L’échec de sa mission a décidé l’Empereur à concentrer ses efforts sur la Mâchoire. Peut-être l’œil a-t-il un double. Daeshara’cor le pense possible…

— Vous a-t-elle demandé si vous connaissiez les plans d’autres armes ? fit Luke.

— Ou de prototypes à échelle réduite ? ajouta Mara.

— Elle l’a demandé. Je lui ai répondu que tous les vestiges de cette époque avaient été détruits par Kyp Durron.

— Vous venez de dire que vous avez utilisé la technologie du Broyeur de Soleil pour la cathédrale. Elle aurait détecté un mensonge…

La femme eut un rire sans joie.

— Kyp a volé les souvenirs, mais il me reste les connaissances de base. Je n’ai pas menti. Elle n’a donc perçu aucun mensonge. Quoi qu’il en soit, je ne créerai plus jamais d’instruments de mort.

— Il ne faut jamais dire « jamais », Qwi, rappela Mara. Nous sommes confrontés à une menace telle qu’il faudrait un Broyeur de Soleil ou une Etoile Noire pour la combattre.

— Non. Je ne reviendrai pas sur ma parole, quel qu’en soit le prix.

— Alors que vous pourriez sauver des milliards de gens ?

— Comment ? En en massacrant d’autres milliards ? Vous êtes des héros. Vous avez tué au combat, pour vous défendre. J’ai créé des armes qui ont pulvérisé des planètes entières. Ensuite, j’ai étudié les mondes que j’ai détruits. J’essaie de travailler à rendre une voix à ces vies perdues. Pour que ces malheureux contribuent à la beauté de ce lieu.

« Je sais que ma démarche semble insensée. Pourtant, si je ne le faisais pas, il deviendrait trop facile de conclure que mes actes n’étaient pas si mauvais. A mes yeux, la mort serait préférable.

— Philosophiquement, je comprends le pacifisme, dit Mara. Mais en faire une règle face à la réalité…

Luke posa une main sur l’épaule de son épouse.

— Mieux vaut qu’elle s’en tienne à ses principes plutôt que de devenir un outil entre les mains d’êtres malveillants.

— Et s’il n’y a pas d’autre moyen d’arrêter les Yuuzhan Vong ?

— Il faudra nous demander si nous étions destinés à perdre, ou si nous n’avons pas su voir une autre solution… Qwi, je vous poserai une seule question. Vous connaissiez l’Empereur. Pensez-vous qu’il aurait fait construire un vaisseau similaire à l'œil ?

— Si c’est le cas, j’espère que vous le trouverez avant qu’il soit utilisé. Donner une voix aux morts est une noble tâche, mais j’espère qu’elle deviendra inutile un jour.